NC – Nietzsche, Par-delà bien et mal

Notes contemplatives de lecture – Note contemplative n° 52

Aucune explication verbale ne remplace jamais la contemplation. Saint-Exupéry, Pilote de guerre.

Notes de lecture

[Le sous-titre de l’ouvrage est “Prélude à une philosophie de l’avenir”.]

À supposer que la vérité soit femme, eh bien ? n’est-on pas en droit de nourrir le soupçon que tous les philosophes, pour être dogmatiques, ne comprenaient pas grand-chose aux femmes ? p. 621.

La fausseté d’un jugement ne suffit pas à constituer à nos yeux une objection contre un jugement ; c’est en cela peut-être que notre nouveau langage rend le son le plus étrange. § 4, p. 628.

Vivre, n’est-ce pas apprécier, accorder sa préférence, être injuste, être limité, vouloir être différent ? § 9, p. 631-632.

Avant tout, quelque chose de vivant veut libérer sa force – la vie elle-même est volonté de puissance – : l’autoconservation n’en est qu’une conséquence indirecte extrêmement fréquente, parmi d’autres. § 13, p. 637.

[Une] pensée vient quand “elle” veut, et non pas quand “je” veux ; de sorte que c’est une falsification de l’état de fait que de dire : le sujet “je” est la condition du prédicat “pense”. Ça pense : mais que ce “ça” soit précisément le vieux “je”, c’est, pour parler avec modération, simplement une supposition, une affirmation, surtout pas une “certitude immédiate”. […] On raisonne ici en fonction de l’habitude grammaticale : “penser est une action, toute action implique quelqu’un qui agit, par conséquent -”. § 17, p. 640.

[Nul] ne ment autant que l’homme indigné. § 26, p. 653.

Croire à des “certitudes immédiates” est une naïveté morale qui nous fait honneur, à nous philosophes : mais – nous avons désormais le devoir de ne plus être des hommes “seulement moraux” ! § 35, p. 660.

Tout esprit profond a besoin d’un masque : plus encore, un masque pousse continuellement autour de tout esprit profond, du fait de l’interprétation constamment fausse, à savoir plate de toute parole, de tout pas, de tout signe de vie émanant de lui. § 40, p. 665.

Il faut en fin de compte tout faire soi-même pour avoir soi-même quelque savoir : c’est dire que l’on a beaucoup à faire ! § 45, p. 672.

[Notre] fureur de travail moderne, bruyante, qui accapare chacun de nos instants, fière d’elle-même, stupidement fière, éduque et prépare, plus que quoi que ce soit d’autre, précisément à l’“incroyance”. § 58, p. 681.

Toute époque a sa propre espèce divine de naïveté. § 58, p. 682.

Qui est professeur dans l’âme ne prend nulle chose au sérieux qu’en rapport à ses élèves – lui inclus. § 63, p. 689.

“Je l’ai fait” dit ma mémoire. Je ne puis l’avoir fait – dit mon orgueil, qui reste inflexible. La mémoire – finit par céder. § 68, p. 690.

Le sage comme astronome. – Tant que tu continues à sentir dans les étoiles un “au-dessus de toi”, c’est qu’il te manque encore le regard de l’homme de connaissance. § 71, p. 691.

Qui atteint son idéal le dépasse du même coup. § 73, p. 691.

En temps de paix, le belliqueux s’agresse lui-même. § 76, p. 692.

L’instinct. – Quand la maison est en flammes, on oublie jusqu’à son déjeuner. – Oui : mais on le prend après coup sur les cendres. § 83, p. 694.

Maturité de l’homme : cela veut dire avoir retrouvé le sérieux qu’enfant, on mettait dans ses jeux. § 94, p. 696.

Si l’on dresse sa conscience, elle nous embrasse tout en mordant. § 98, p. 697.

Nous nous faisons passer à nos yeux pour plus simples que nous ne le sommes : nous nous reposons ainsi de nos semblables. § 100, p. 697.

Il n’y a pas de phénomènes moraux du tout, mais seulement une interprétation morale de phénomènes… § 108, p. 699.

“Tu veux le prévenir en ta faveur ? Fais semblant d’être embrassé face à lui -” § 113, p. 700.

Un peuple est le détour que fait la nature pour arriver à six ou sept grands hommes. – Oui : et pour les éviter ensuite. § 126, p. 702.

Plus la vérité que tu veux enseigner est abstraite, plus il te faut séduire les sens à son profit. § 128, p. 703.

C’est pour ses vertus qu’on est le mieux puni. § 132, p. 704.

L’un cherche un accoucheur pour ses pensées, l’autre, quelqu’un qui puisse aider : voilà comment naît un bon dialogue. § 136, p. 704.

C’est à cause du bas-ventre qu’il est malaisé à l’homme de se prendre pour un dieu. § 141, p. 705.

La parole la plus pudique qu’il m’ait été donné d’entendre : “Dans le véritable amour c’est l’âme qui enveloppe le corps. § 142, p. 706.

Ce qui se fait par amour s’accomplit toujours par-delà bien et mal. § 153, p. 708.

La folie est chose rare chez les individus, – mais dans les groupes, les partis, les peuples, les époques, c’est la règle. § 156, p. 709.

La pensée du suicide est un vigoureux réconfort : elle aide à bien traverser plus d’une mauvaise nuit. § 157, p. 709.

On peut bien mentir de la bouche ; mais la tête que l’on fait pendant ce temps dit tout de même la vérité. § 166, p. 711.

Beaucoup parler de soi peut également être un moyen de se cacher. § 169, p. 711.

Il y a dans l’éloge plus d’indiscrétion que dans le blâme. § 170, p. 712.

C’est finalement son désir qu’on aime, et non l’objet désiré. § 175, p. 713.

La familiarité du supérieur exaspère parce qu’on n’est pas autorisé à la rendre. § 182, p. 714.

“Ce qui m’a ébranlé, ce n’est pas que tu m’aies menti, mais que je ne te croie plus.” § 183, p. 714.

Platon a tout fait pour interpréter le principe de son maître en y introduisant quelque chose de subtil et de noble, et avant tout lui-même, lui, le plus audacieux de tous les interprètes, qui se saisit de Socrate tout entier en le traitant comme un simple thème en vogue et une chanson populaire qui court les rues, pour le faire varier à l’infini, et jusqu’à l’impossible : à savoir jusqu’à lui faire représenter tous ses propres masques et ses aspects multiples. § 190, p. 723.

Pas plus qu’un lecteur, aujourd’hui, ne lit intégralement les mots particuliers (encore moins les syllabes) d’une page – il en extrait plutôt au hasard quelque chose comme cinq mots sur vingt et “devine” le sens qu’ont probablement ces cinq mots -, nous ne voyons un arbre de manière précise et exhaustive, pour ce qui est de ses feuilles, ses branches, sa couleur, sa forme ; il nous est tellement plus facile de créer par l’imagination une approximation d’arbre. § 192, p. 725.

Ce que nous vivons en rêve, à supposer que nous le vivions souvent, finit par faire tout autant partie de l’économie d’ensemble de notre âme que tout ce que nous vivons “réellement”. § 193, p. 725-726.

La morale est aujourd’hui en Europe la morale de l’animal de troupeau. § 202, p. 735.

Ce qu’est un philosophe, cela s’apprend mal parce que cela ne peut pas s’enseigner : on doit le “savoir”, d’expérience, – ou bien on doit avoir l’orgueil de ne pas le savoir. § 213, p. 755.

Heureux les oublieux : car ils viendront aussi “à bout” de leurs bêtises. § 217, p. 759.

La mesure nous est étrangère, reconnaissons-le ; notre démangeaison, c’est justement la démangeaison de l’infini, de l’immense. § 224, p. 765.

Il est de toute importance qu’un nombre d’hommes aussi faible que possible médite sur la morale, – il est par conséquent de la plus haute importance que la morale ne devienne pas un beau jour intéressante ! § 228, p. 768.

[Car] c’est bien à un estomac que l’esprit ressemble encore le plus. § 230, p. 772.

Apprendre nous métamorphose, cela fait ce que fait toute alimentation, laquelle ne se borne pas à “conserver”. § 231, p. 774.

Il y a des tournures et des traits d’esprit, il y a des sentences, une simple poignée de mots, où se cristallise toute une culture, toute une société. § 235, p. 777.

Les hommes ont jusqu’à présent traité les femmes comme des oiseaux qui descendus de quelque hauteur se seraient égarés jusqu’à eux : comme quelque chose de plus raffiné, de plus vulnérable, de plus sauvage, de plus singulier, de plus doux, de plus sensible, – mais comme quelque chose qu’il faut mettre en cage pour l’empêcher de s’enfuir. § 237, p. 778.

Peur et pitié : c’est avec ces sentiments que l’homme a considéré la femme jusqu’à présent, toujours un pied dans la tragédie, qui déchire en ravissant. § 239, p. 781.

Il y a une morale des maîtres et une morale des esclaves. § 260, p. 810.

L’histoire de la langue est l’histoire d’un processus d’abréviation. § 268, p. 821.

Ah, qui connaît le cœur devine à quel point même le meilleur, le plus profond amour est pauvre, stupide, démuni, présomptueux, gauche, à quel point il détruit plus facilement qu’il ne sauve ! § 269, p. 824.

[Dans] tous les coins de la terre se tiennent des hommes qui attendent, qui savent à peine à quel point ils attendent, mais moins encore qu’ils attendent en vain. § 274, p. 826.

Triste chose ! Toujours la même vieille histoire ! Quand on a achevé de construire sa maison, on remarque que ce faisant, on a appris à son insu quelque chose que l’on aurait absolument savoir avant de – commencer à la bâtir. L’éternel et contrariant “trop tard !” – La mélancolie de tout ce qui est achevé ! § 277, p. 827.

Les hommes à la tristesse profonde se trahissent lorsqu’ils sont heureux : ils se saisissent du bonheur de manière telle qu’ils semblent vouloir le broyer et l’étouffer, avec jalousie, – hélas, ils ne savent que trop qu’il leur échappera ! § 279, p. 828.

N’écrit-on pas des livres précisément pour cacher ce que l’on porte en soi. § 289, p. 833.

Toute philosophie cache aussi une philosophie ; toute opinion est aussi une cachette, toute parole est aussi un masque. § 289, p. 833.

Tout penseur profond craint davantage d’être compris que d’être mal compris. § 290, p. 833.

Un philosophe : ah, un être qui souvent s’enfuit loin de lui-même, a souvent peur de lui-même, – mais qui est trop curieux pour ne pas finir toujours par “revenir à lui”… § 292, p. 834.

Bibliographie

NIETZSCHE F., Œuvres, Paris, Flammarion “Mille et une pages”, 2003.

Voir aussi

« Le Syndrome du Funambule », Livre II : L’Essor – Le grand Midi selon Nietzsche.

« De Spinoza à Sartre », Fiche de lecture n° 3, Nietzsche, Ecce Homo.

Carnet de vocabulaire philosophique : Éternel Retour, Morale, Nihilisme, Ressentiment, Surhomme, Volonté de puissance.

Doctrines et vies des philosophes illustres : Épictète ; Socrate.

Fiches de lecture : Nietzsche, Généalogie de la morale ; Arrien de Nicomédie, Le « Manuel » d’Épictète ; Platon, Apologie de Socrate.

Notes contemplatives de lecture : Nietzsche : Ainsi Parlait Zarathoustra : IIIIIIIV ;  Le Gai Savoir ; Humain, trop humain : ILe Livre du philosophe, III – Le voyageur et son ombre ; Par-delà bien et mal ; Seconde Considération intempestive ; Héraclite : Fragments.


Dsirmtcom, mars 2023.

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